La première session du synode sur la synodalité s’est achevée samedi 28 octobre à Rome. Le document de synthèse d’une quarantaine de pages a choisi de laisser transparaître les différences d’approches sur certains sujets, tout en appelant à des approfondissements. Il faudra attendre la seconde session du synode dans un an, et éventuellement une exhortation apostolique, pour avoir le fin mot d’éventuelles décisions.
Pour l’heure, il s’agit avant tout de proposer une nouvelle manière d’être ensemble en Eglise, de travailler, de discuter et de décider. Une méthode fondée sur l’écoute et la participation plus large de tous, laïcs, hommes, femmes, religieux, religieuses, diacres, prêtres et évêques, sur l’ouverture aux personnes marginalisées dans l’Eglise ainsi qu’aux hommes et aux femmes qui entourent les communautés catholiques dans les contextes culturels où elles sont. Bref, un changement de culture dans l’Eglise pour que l’Eglise soit plus fidèle à son identité et à sa mission.
Le document propose une définition de la synodalité : « La synodalité peut être comprise comme le chemin des chrétiens avec le Christ et vers le Royaume, avec toute l’humanité ; orientée vers la mission, elle implique la rencontre en assemblée aux différents niveaux de la vie ecclésiale, l’écoute mutuelle, le dialogue, le discernement communautaire, la création de consensus comme expression de la présence du Christ vivant dans l’Esprit et la prise de décision dans un esprit coresponsabilité différenciée. La pratique synodale fait partie de la réponse prophétique de l’Église à un individualisme qui se replie sur lui-même, à un populisme qui divise et à une mondialisation qui homogénéise et aplatit. Il ne résout pas ces problèmes, mais propose une manière alternative d’être et d’agir, pleine d’espoir, qui intègre une pluralité de perspectives et qui doit être explorée et éclairée davantage. »
Tous coresponsables
Globalement, le synode insiste sur le défi de la coresponsabilité dans l’Église, en encourageant tous les baptisés, qu’ils soient prêtres, laïcs, religieux ou religieuses, à collaborer ensemble pour mieux annoncer l’Évangile et améliorer les prises de décisions. L’idée étant de sortir d’une logique selon laquelle le savoir serait l’apanage d’une élite, et de passer d’une Église dans laquelle il y aurait quelques responsables aidés par quelques collaborateurs à une Église dans laquelle tous sont coresponsables.
Ceci s’appuie sur deux convictions de foi : « les relations fraternelles sont le lieu et la forme d’une authentique rencontre avec Dieu » et « tout croyant possède un instinct pour la vérité de l’Évangile. (…) La synodalité valorise ce don et permettent de vérifier l’existence de ce consensus des fidèles. » Plus largement, « La logique du dialogue, de l’apprentissage mutuel et de la marche ensemble doit caractériser l’annonce de l’Evangile et le service aux pauvres, le soin de la maison commune et la recherche théologique, en devenant le style de l’Église. »
La recherche de la coresponsabilité, la recherche du bien commun, à travers une fraternité vécue et l’écoute mutuelle, s’étend aux relations de l’Eglise avec tous les hommes : « il est nécessaire que les communautés chrétiennes partagent la fraternité »avec des hommes et des femmes d’autres religions, croyances et cultures ».
Une photographie de l’Église catholique
Le document de synthèse de la première session est destiné à être travaillé par les conférences épiscopales, encouragées à procéder à des approfondissements théologiques et canoniques sur un certain nombre de sujets. Ainsi, chaque chapitre, chaque point, rassemble les convergences qui se sont faites entre les membres de l’assemblée, les questions à traiter, les points de débat sur lesquels il est jugé important de s’arrêter pour procéder à une étude théologique, pastorale et canonique, afin de savoir dans quelle direction aller, et les propositions qui indiquent des « chemins possibles à suivre ».
Toutes les propositions ont été votées à plus des deux tiers. Les propositions ayant reçues le plus de votes contraires sont sans surprise celles touchant à la réflexion sur la morale sexuelle, la prise en compte des questions de genre, le diaconat féminin, le célibat sacerdotal, l’inculturation, les difficultés posées aux missionnaires contemporains par la mémoire douloureuse de la colonisation, et le partage de l’autorité.
Porter des divergences en pleine lumière
Certains pourront voir culturels un risque de fragmentation dans laméthode du pape François qui assume de porter les divergences en pleine lumière et qui insiste par ailleurs sur la nécessité de prendre en compte la diversité des contextes.
François fait quant à lui le pari inverse : puisque ces tensions et cette diversité existent, il estime que c’est en mettant les questions ouvertes sur la table et en poussant les uns et les autres à s’écouter qu’il sera possible d’avancer sans se diviser. Peut-être, est-il aussi en train de proposer une nouvelle approche de l’unité. Lors du discours du synode, le 4 octobre, il a préféré employer le terme d’harmonie. « L’Esprit saint, a-t-il déclaré, déclenche un dynamisme profond et varié dans la communauté ecclésiale : “le tumulte” de la Pentecôte (…). Et après cela, il y a la grande œuvre de l’Esprit saint : non pas l’unité, non, l’harmonie. Il nous unit dans l’harmonie, l’harmonie de toutes les différences. S’il n’y a pas d’harmonie, il n’y a pas d’Esprit : c’est Lui qui fait cela. »
Comme il fallait s’y attendre, cette première phase s’achève avec davantage de questions que de réponses. Mais des étapes ont été franchies. Des priorités, établies. Une feuille de route, dessinée. Et une conviction que la recherche d’un nouveau style dans la manière d’être en Eglise et dans la manière d’être l’Eglise dans le monde est fidèle à l’Esprit de Jésus. « L’écoute signifie adopter l’attitude de Jésus envers les personnes qu’il a rencontrées (voir Phil 2, 611) ; elle a aussi une valeur ecclésiale, puisque c’est l’Église qui écoute, à travers l’œuvre de certains baptisés qui n’agissent pas en leur nom propre, mais en celui de la communauté. (…) L’Église veut écouter tout le monde, pas seulement ceux qui savent faire entendre plus facilement leur voix. »
Quelques points particulièrement débattus dans l’Eglise en France
Du nouveau sur la place des femmes
Un des points sur lesquels on observe les plus grandes avancées est celui de la valorisation de la contribution des femmes dans l’Église et le respect de la dignité et de la justice dans les relations hommes-femmes. Pour le synode, il en va de la crédibilité dans la mission. « De nombreuses femmes ont exprimé leur profonde gratitude pour le travail des prêtres et des évêques, mais elles ont aussi parlé d’une Église qui fait mal, poursuit le document. Le cléricalisme, le machisme et l’usage inapproprié de l’autorité continuent de marquer le visage de l’Église et de nuire à la communion. Une profonde conversion spirituelle est nécessaire comme base de tout changement structurel. Les abus sexuels, économiques et de pouvoir continuent d’exiger justice, guérison et réconciliation. Nous nous demandons comment l’Église peut devenir un espace capable de protéger tout le monde. » L’accent est mis sur l’appel à ce que les hommes et les femmes puissent expérimenter une « coresponsabilité non compétitive ». Concrètement, la question de l’ouverture de nouveaux ministères aux femmes est posée, dont notamment celui du diaconat.
Pas de bénédiction pour les couples homosexuels
Il n’y a pas de convergence sur les questions liées au genre et à l’homosexualité. De manière symptomatique, la question de la bénédiction des couples qui ne sont pas hétérosexuels, fréquemment posée en conférence de presse tout au long du synode et qui était présente dans le document de travail de l’assemblée synodale, a été éclipsée, moins présente à l’intérieur de la salle qu’à l’extérieur. La question de l’homosexualité est quant à elle abordée dans le cadre d’une réflexion plus large sur « amour et vérité ».
Célibat des prêtres
Le document de synthèse note que « différentes évaluations ont été exprimées sur le célibat des prêtres ». Il existe un consensus sur « sa valeur prophétique et le témoignage de sa conformation au Christ ». Toutefois « certains se demandent si la convenance théologique du ministère presbytéral doit nécessairement se traduire dans l’Église latine par une obligation disciplinaire, surtout là où les contextes ecclésiaux et culturels la rendent plus difficile ».
Abus dans l’Eglise
La question des abus revient à plusieurs reprises dans la réflexion, avec un accent mis sur l’écoute et l’accompagnement, mais aussi la reconnaissance que beaucoup reste à faire, « ce qui nécessite de s’attaquer aux conditions structurelles qui ont permis de tels abus et de poser des gestes concrets de pénitence ».
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Saint Jean XXIII au naturel…
Jean XXIII sur son lit de mort recevait l’extrême-onction. Tout le monde pleurait autour de lui. Alors le pape, tapant à coups redoublés sur le bois de son lit, s’écrie presque en colère : « Allons ! Courage ! Courage ! Ce n’est pas encore le Requiem ! »
A l’approche de sa mort, le pape Jean XXIII témoignait : « Je suis tranquille. J’ai toujours voulu faire la volonté de Dieu. Toujours. Toujours. Je prie pour l’Eglise, pour les enfants, pour les prêtres et les évêques afin qu’ils soient saints, et pour le monde entier. »