La semaine dernière nous avions rappelé les étapes, les enjeux et la méthode du Synode sur la Synodalité.
Le pape François a introduit trois nouveautés dans le fonctionnement du Synode des évêques (un synode est une assemblée d’évêques rassemblés par le pape pour discerner et le conseiller sur un thème) :
- La consultation de l’ensemble du Peuple de Dieu, depuis chaque église locale, en demandant des réponses à deux questions fondamentales : Comment se déroule aujourd’hui, à différents niveaux (du local à l’universel) ce « marcher ensemble » qui permet à l’Eglise d’annoncer l’Evangile, conformément à la mission qui lui a été confiée ? Et : Quels pas de plus l’Esprit nous invite-t-il à poser pour grandir comme Eglise synodale ?
Les remontées ont fait l’objet de synthèses diocésaines, nationales, continentales avant d’être analysées et synthétisées dans un seul document (l’Instrumentum Laboris) diffusé le 20 juin 2023. La synthèse finale propose 15 fiches thématiques sur lesquelles travaille le Synode réuni à Rome.
- La méthode : c’est celle de la conversation avec l’Esprit, qui demande à chaque baptisé de prier et discerner sous la conduite de l’Esprit, de prendre la parole et d’écouter, d’accueillir dans le silence afin de faire place à l’autre et à l’Autre pour trouver ensemble le chemin de l’Eglise et enfin de prier ensemble pour rendre grâce.
- La composition de l’assemblée du Synode qui comprend 25 % de laïcs dont des femmes.
Comment travaille le Synode ?
Les membres du Synode vivent comme un temps de retraite spirituelle (voir la méthode décrite ci-dessus). Une grande partie de leur travail se fait dans des groupes linguistiques de petite taille de sorte que chacun puisse parler et écouter. La grande assemblée est le lieu pour écouter ensemble les retours des groupes linguistiques et les discuter. Il y a donc un aller-retour entre les groupes linguistiques et la grande assemblée pour que la réflexion progresse.
Le document de synthèse de toutes les remontées des églises locales comporte 15 thèmes. Chaque thème est traité sous forme de questions. Il y a un thème et une question générale ; puis une synthèse des remontées des églises locales ; enfin, une question de discernement dont la réponse doit déboucher sur des choix, des actes. La fiche donne aussi des pistes de méditation pour aider les membres du Synode à se préparer le coeur à ce travail de réflexion et de discernement ensemble. Voici l’exemple de la fiche par laquelle le Synode a commencé.
Une communion qui rayonne
Comment le service de la charité, l’engagement pour la justice et le soin de la maison commune nourrissent-ils la communion dans une Église synodale ?
Les Assemblées continentales ont indiqué plusieurs directions pour se développer en tant qu’Église synodale missionnaire :
a) Dans une Église synodale, les pauvres, au sens premier de ceux qui vivent dans la pauvreté et l’exclusion sociale, occupent une place centrale. Ils sont les destinataires des soins, mais surtout les porteurs d’une Bonne Nouvelle que toute la communauté doit écouter : d’eux, l’Église a avant tout quelque chose à apprendre (cf. Lc 6,20 ; EG[1] 198). Une Église synodale reconnaît et valorise leur participation active.
b) Le soin de la maison commune exige une action partagée : la solution de nombreux problèmes, tels que le changement climatique, exige l’engagement de toute la famille humaine. Le soin de la maison commune est déjà un lieu d’expériences intenses de rencontre et de collaboration avec des membres d’autres Églises et communautés ecclésiales, avec des croyants d’autres religions et avec des hommes et des femmes de bonne volonté. Cet engagement requiert la capacité d’agir de manière cohérente à plusieurs niveaux : catéchèse et animation pastorale, promotion des styles de vie, gestion des biens de l’Église (patrimoniaux et financiers).
c) Les mouvements migratoires sont un signe de notre temps et « les migrants sont un ‘paradigme’ capable d’illuminer notre temps » (pape François). Leur présence constitue un appel à cheminer ensemble, particulièrement lorsqu’il s’agit des fidèles catholiques. Elle invite à créer des liens avec les Églises des pays d’origine et représente une chance d’expérimenter la diversité de l’Église, par exemple à travers la diaspora des Églises catholiques orientales.
d) Une Église synodale peut jouer un rôle de témoignage prophétique dans un monde fragmenté et polarisé, en particulier lorsque ses membres s’engagent à marcher ensemble avec d’autres citoyens pour la construction du bien commun. Dans les lieux marqués par de profonds conflits, cela exige la capacité d’être des agents de réconciliation et des artisans de paix.
e) « Tout chrétien et toute communauté sont appelés à être un instrument de Dieu pour la libération et la promotion des pauvres » (EG 187). Cela implique la disponibilité à prendre position en leur faveur dans le débat public, à prêter voix à leurs causes, à dénoncer les situations d’injustice et de discrimination, sans complicité avec ceux qui en sont responsables.
Question de discernement : Marcher ensemble signifie ne laisser personne de côté et être capable de suivre ceux et celles qui peinent le plus. Comment pouvons-nous progresser dans notre capacité à promouvoir la participation active des plus petits dans l’Église et la société ?
Suggestions pour la prière et la réflexion préparatoire
1) Les œuvres de justice et de miséricorde sont une forme de participation à la mission du Christ. Toute personne baptisée est donc appelée à s’engager dans ce domaine. Comment cette conscience peut-elle être éveillée, cultivée et renforcée dans les communautés chrétiennes ?
2) Les inégalités qui marquent le monde contemporain traversent aussi le corps de l’Église, séparant par exemple les Églises des pays riches et des pays pauvres, ou les communautés des régions les plus riches et les plus pauvres d’un même pays. Quels sont les outils nécessaires pour pouvoir cheminer ensemble entre Églises au-delà de ces inégalités, en faisant l’expérience d’un authentique échange de dons ?
3) Sur le chemin du Synode, quels efforts ont été faits pour donner de l’espace à la voix des plus pauvres et intégrer leur contribution ? Quelle expérience nos Églises ont-elles acquise en soutenant la participation active des pauvres ? Que devons-nous faire pour les impliquer de plus en plus dans notre cheminement ensemble, en laissant leur voix remettre en question notre façon de faire lorsqu’elle n’est pas assez inclusive ?
4) L’accueil des migrants devient-il une occasion de cheminer avec des personnes d’une autre culture, surtout lorsque nous partageons la même foi ? Quelle est la place des communautés de migrants dans la pastorale ordinaire ? Comment la diaspora des Églises catholiques orientales est-elle valorisée comme une occasion de vivre l’unité dans la diversité ? Quels liens sont créés entre les Églises des pays de départ et celles des pays d’arrivée ?
5) La communauté chrétienne sait-elle cheminer avec l’ensemble de la société dans la construction du bien commun ou se présente-t-elle comme un sujet intéressé par la défense de ses propres intérêts partisans ? Parvient-elle à témoigner de la possibilité d’une concorde au-delà des polarisations politiques ? Quels outils se donne-t-elle pour se former à ces tâches ? Travailler au bien commun nécessite de former des alliances et des coalitions : quels critères de discernement nous donnons-nous à cet égard ? Comment chaque communauté accompagne-t-elle ses membres engagés en politique ?
6) Quelles expériences de marche commune pour le soin de la maison commune avons-nous eues avec des personnes, des groupes et des mouvements qui ne font pas partie de l’Église catholique ? Qu’avons-nous appris ? Où en sommes-nous dans la construction d’une cohérence entre les différents niveaux auxquels la protection de la maison commune nous demande d’agir ?
7) La rencontre avec les pauvres et les marginalisés et la possibilité de cheminer avec eux commencent souvent par une volonté d’écouter leur vie. Est-il judicieux de réfléchir à la reconnaissance d’un ministère spécifique d’écoute et d’accompagnement pour les personnes qui assument ce service ? Comment une Église synodale peut-elle les former et les soutenir ? Comment penser à reconnaître ecclésialement des formes d’engagement pour la construction d’une société juste et la prise en charge de la maison commune qui sont vécues comme une réponse à une vocation authentique et comme un choix qui est aussi professionnel ?
Le pape Jean XXIII au naturel…
Le pape Jean XXIII détestait la solitude, particulièrement pendant les repas. Or le protocole voulait qu’un pape mange seul. Il ne s’y résignait pas en disant : «J’ai l’air d’un séminariste puni !» Ou encore :
«J’ai lu attentivement l’Evangile sans y trouver un passage qui prescrive de manger seul. Jésus, comme on le sait, aimait manger en compagnie.»
Pour les disciples de Jésus, la fraternité se construit aussi par la convivialité !
[1] EG = La joie de l’Evangile (document du pape François)